Une histoire de la conquête spatiale. Des fusées nazies aux astrocapitalistes du New Space, Irénée Régnauld, Arnaud Saint-Martin, La fabrique éditions, Paris, février 2024
Apollo, Ariane, Artemis… les programmes spatiaux se présentent à nous comme les épisodes d’une glorieuse épopée. Les motifs ont varié, flattant l’élan pionnier, la science, la quête de ressources nouvelles et plus récemment d’une hypothétique « planète B », mais le script est resté le même : en se projetant dans l’espace, l’humanité accomplit sa destinée.
Les archives de la conquête spatiale contredisent pourtant cette fable. Loin du rêve humaniste, ses objectifs sont avant tout militaires, dès les premières expérimentations des ingénieurs nazis bientôt reconvertis dans l’aérospatiale aux États-Unis pour mener de front la course à la Lune, aux satellites et aux missiles. Dans le sillage des space enthusiasts au sein des gouvernements et des armées, une puissante industrie s’est développée, surfant sur le marché des télécommunications et de la surveillance, spéculant sur les projets d’expansion cosmique les plus farfelus. Cet « astrocapitalisme » se caractérise aujourd’hui par une fuite en avant destructrice : tandis que les puissances spatiales et les milliardaires du New Space visent la Lune et Mars, débris et pollutions s’accumulent au sol et dans le ciel.
Si l’enchantement perdure, c’est qu’une vaste conquête des esprits est à l’œuvre, dont on verra que l’héroïsation des astronautes – hier intrépides aventuriers, aujourd’hui scientifiques éclairés – n’est qu’une dimension parmi les plus durables. Il existe pourtant d’autres usages de l’espace, ni guerriers ni marchands, plus contemplatifs et plus soutenables, qui offrent une voie alternative vers les étoiles.
Irénée Régnauld est consultant, essayiste et chercheur associé à l’université de technologie de Compiègne. Il a publié récemment, avec Yaël Benayoun, Technologies partout, démocratie nulle part. Plaidoyer pour que les choix technologiques deviennent l’affaire de tous (2020). Il a co-fondé l’association Le Mouton Numérique.
Arnaud Saint-Martin est sociologue, chargé de recherche au CNRS. Ses publications portent sur l’histoire des sciences et techniques et l’étude des transformations de l’astronautique, de la Guerre froide à l’avènement du « New Space ». Il a publié récemment Science (2020). Il codirige la revue Zilsel – Science, Technique, Société.