Le cas de Pinar Selek est emblématique des menaces sur la liberté académique Pinar Selek est née en 1971 à Istanbul. Sociologue, ses premiers travaux académiques portent sur la question kurde : elle est arrêtée et emprisonnée en juillet 1998, parce qu’elle refuse de livrer les identités de militant.es interviewé.es. Elle apprend en prison, où elle est torturée pendant deux ans et demi, qu’elle est accusée de l’explosion mortelle au marché aux Epices d’Istanbul (9/07), qualifiée d’attentat du PKK. Depuis 26 ans, elle est poursuivie par l’Etat turc, malgré son innocence (diverses expertises ont montré qu’il s’agit de l’explosion accidentelle d’une bouteille de gaz). Le pouvoir s’acharne en effet contre elle par voie judiciaire : elle est ainsi jugée et systématiquement acquittée, faute de preuves (en 2006, 2008, 2011, 2014). Ce sont en grande partie les engagements scientifiques de Pinar Selek, qui lui valent cette persécution sans relâche. Elle est également la cible de nombreuses menaces des fascistes turcs « Loups Gris ». Elle se résout à partir en exil en 2008, d’abord en Allemagne, grâce à une bourse d’écriture (Pen Club). Installée en France à partir de 2011, elle y poursuit ses activités de recherche, d’enseignement et d’écriture, d’abord comme réfugiée politique (2013) puis comme française (elle est naturalisée en 2017). Elle enseigne depuis 2016 la sociologie et la science politique à l’Université Côte d’Azur, où elle occupe un poste d’enseignante-chercheure titulaire à partir de 2022. Elle a publié huit livres en France et reçu de nombreux prix (voir la synthèse de ses activités ci-après). Dans le contexte de durcissement autoritaire du pouvoir turc, le 21 juin 2022 la Cour Suprême de Turquie annule le dernier acquittement. Un 5ème procès est enclenché, un mandat d’arrêt international lancé avec demande d’emprisonnement immédiat : 3 audiences ont déjà eu lieu en mars et septembre 2023 ainsi qu’en juin 2024, débouchant sur des reports, le tribunal voulant faire comparaître Pinar Selek alors qu’elle pourrait être entendue par voie de commission rogatoire, depuis la France. Pinar Selek risque la prison à perpétuité et ne peut plus répondre aux invitation scientifiques qui lui sont faites dans divers pays européens, au risque d’être extradée vers la Turquie. Ce sont ainsi sa recherche scientifique et sa liberté académique qui sont gravement et durablement entravées. Le 28 juin 2024, lors de la 3ème audience de ce 5ème procès, une nouvelle attaque contre la liberté académique a été commise par le régime turc, cette fois au niveau transnational. Celui-ci, par la voie de ses services de police, s’en est pris à l’université et à la recherche françaises, en assimilant une table-ronde académique, animée par Pinar Selek le 11 avril 2024, à un événement organisé par « l’organisation terroriste PKK ». Cet événement, qui s’est déroulé dans le cadre du festival Printemps des migrations, à la Villa d’Arçon (Nice), était organisé en réalité par l’URMIS (Unité de Recherche Migrations et société), qui est un laboratoire de recherche publique sous quadruple tutelle (l’Université Côte d’Azur, l’Université Paris Cité, le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD)), et avait confié à l’une de ses membres, Pinar Selek, le soin d’animer la table-ronde. Les juges en charge de cette affaire à la 15e chambre de la Cour d’assises d’Istanbul ont été révoqués cet été : le fait qu’ils aient été remplacés par d’autres juges, connus pour la lourdeur de leurs verdicts dans des affaires semblables, fait redouter un renforcement de l’immixtion du politique dans le juridique. Une importante campagne de solidarité internationale rassemblant des citoyen.nes, des scientifiques, des artistes, des organisations de défense des Droits humains, des politiques et des juristes continue de s’opposer à cet odieux acharnement contre l’intellectuelle et chercheuse Pinar Selek et exigent la tenue d’un procès indépendant et équitable. Celui-ci débouchera comme les 4 autres fois sur un nouvel acquittement permettant à Pinar Selek d’enfin retrouver sa liberté de travailler, circuler et s’exprimer librement.
Tribune académique (le Monde, juin 24) Article universitaire (The Conversation, mars 2023) Site internet : https://pinarselek.fr Contact: justice@pinarselek.fr Insta : justicepourpinarselek Activités académiques et littéraires de Pinar Selek Pinar Selek, sociologue, maîtresse de conférences associée au département de Sociologie, à l’Université Nice Côte d’Azur (UCA), membre de l’URMIS (Unité de Recherche Migrations et Société, CNRS UMR 8245, IRD UMR 205, UCA). Distinctions : Docteure Honoris Causa Ecole Nationale Supérieure (ENS) Lyon (2014) ; Présidente d’Honneur de l’Association des Sociologues Enseignant.es du Supérieur (ASES) depuis 2022 ; Médaille de l’Université Libre de Bruxelles (2023). Citoyenne d’honneur de la ville de Lyon, médaillée des villes de Marseille, Lyon, Paris. Lauréate de 4 prix littéraires internationaux : Duygu Asena (Turquie, 2010), Marisa Giorgetti (Italie, 2016), Cultura Mediterranea (Italie, 2019), Veu Lliure (Catalogne/Espagne, 2024). Docteure de l’université de Strasbourg, elle a soutenu sa thèse en 2014 sur les « possibilités et les effets de convergences des mouvements contestataires, sous la répression ». Spécialiste : sociologie du genre et des sexualités, sociologie militaire, sociologie des migrations, sociologie des réseaux de l’action collective. Activités académiques : Elle est co-responsable de l’Observatoire des migrations dans les Alpes-Maritimes. Elle participe ou (co)-dirige, depuis 2017, 3 programmes de recherche. Son activité scientifique est importante, en France comme à l’international : elle a publié 7 articles en nom propre dans des revues scientifiques internationales ; 12 dans des revues scientifiques françaises dont 9 en nom propre ; 17 chapitres d’ouvrages collectifs (français et internationaux) dont 16 en nom propre. Elle a également coordonné un numéro de revue scientifique et participé aux comités de rédaction de deux revues. Elle publie régulièrement en Turquie (4 articles scientifiques et 4 chapitres d’ouvrages). Elle a publié 4 ouvrages scientifiques en français dont 3 en nom propre et dont 2 sont traduits dans d’autres pays européens : Le Chaudron militaire turc, Un exemple de production de la violence masculine, Paris, Editions des Femmes, 2023 ; Parce qu’ils sont arméniens, Paris, Liana Levi, 2015 (3e édition), traduit dans 5 autres pays européen ; Devenir homme en rampant, Paris, l’Harmattan, Logiques sociales, 2014, traduit également en allemand et publié initialement en Turquie (12 fois réédité). Elle a publié 3 ouvrages (non-traduits) en Turquie : Barısamadık [Nous n’avons pas pu faire la paix], Istanbul, Ithaki, 2004. 502 p. ; Maskeler, süvariler, gacilar. Ülker sokak, ( *Masques, cavaliers et nanas. Rue Ulker: lieu d’exclusion), Ankara, Ayizi, 2016, (11e édition) ; Une Histoire orale : Les Miettes des souvenirs, Istanbul, Amargi, 2008. Elle a également valorisé les résultats de ses recherches sous d’autres supports de publication : 1 ouvrage (en français et en allemand) Loin de Chez Moi. Mais jusqu’où ?, Dontilly, Éditions iXe, 2012, 64 p. (6e édition) ainsi que 5 articles dans des revues et 3 chapitres d’ouvrages. Pinar Selek est également écrivaine avec 5 romans à son actif : Azucena, Paris, Editions des Femmes, 2022. (1ère publication en Turquie, traduction italienne) ; La Maison du Bosphore, Paris, Liana Levi, 2013 (1ère publication en Turquie, traduction italienne et allemande) ; Verte et les oiseaux, Edition des Lisières, 2017 (1ère publication en Turquie) ; Algue et la Sorcière, Edition des Lisières, 2021 (1ère publication en Turquie) ; Un ouvrage non traduit : Su damlasi, Istanbul, Gokkusagi, 2003.
Cette chercheuse est régulièrement interviewée dans différents médias français et internationaux, en tant qu’écrivaine, scientifique mais aussi en tant qu’intellectuelle persécutée.
Le laboratoire tient à lui apporter sa solidarité.