Centre européen de sociologie et de science politique

Entrer en guerre au Mali. Luttes politiques et bureaucratiques autour de l’intervention française

Entrer en guerre au Mali. Luttes politiques et bureaucratiques autour de l’intervention française, Grégory DAHO, Florent POUPONNEAU et Johanna SIMÉANT-GERMANOS (dir.), Rue d’Ulm, Paris, 2022, 330 pages.

Résumé

Le 11 janvier 2013, dans une allocution télévisée, le président François Hollande annonçait que la France intervenait militairement pour venir en aide au Mali, alors que des groupes armés qualifiés de terroristes semblaient se diriger vers la capitale, Bamako. Cela marquait le début de l’opération Serval. Quoi de plus proche, en apparence, d’une décision souveraine et individuelle que cette annonce ? Le propos de cet ouvrage, appuyé sur un travail de terrain de plusieurs années (sources ouvertes, archives classifiées, entretiens, prosopographie…), est pourtant à rebours d’une perspective qui prétendrait isoler des moments discrets de la décision en en faisant une substance, saisissable et traçable : il s’attache à déplier ce que sont toutes les conditions plus générales de possibilité d’une entrée en guerre, et à identifier les luttes politiques et bureaucratiques au sein de l’appareil d’État dans lesquelles elle s’encastre. Il entend aussi montrer que l’on peut travailler empiriquement sur les sommets de l’État, fût-ce dans des domaines que l’on imagine verrouillés par le « secret défense », et que les relations internationales relèvent, en cela, du travail ordinaire des sciences sociales.

Les auteurs

Grégory Daho, Florent Pouponneau et Johanna Siméant-Germanos sont enseignants-chercheurs en science politique, respectivement au département de Science politique de l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne (Centre européen de sociologie et de science politique [CESSP]), à Sciences Po Strasbourg (Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe [SAGE]) et au département de Sciences sociales de l’ENS (Centre Maurice Halbwachs). Tous trois attentifs à une sociologie empirique et réflexive de l’international qui ne cède pas au défaitisme méthodologique, ils ont travaillé sur l’institution militaire (G. Daho, La Transformation des armées. Enquête sur les relations civilo-militaires en France, Éd. de la MSH, 2016), sur la diplomatie française (F. Pouponneau, La Politique française de non-prolifération nucléaire. De la division du travail diplomatique, Peter Lang, 2015) et sur les mouvements sociaux et l’humanitaire, en Afrique et ailleurs (J. Siméant, Contester au Mali. Formes de la mobilisation et de la critique à Bamako, Karthala, 2014). Un séminaire de trois ans a permis d’inclure dans cet ouvrage les contributions de quatorze étudiants et étudiantes.

Sommaire

  • Introduction. L’intervention française au Mali : rendre problématique une évidence

Sur le fétichisme de « la » décision • Une sociologie politique des interventions internationales encastrée dans ses mondes sociaux • « Le seul continent qui soit encore à la mesure de la France » : (dis) continuités postcoloniales et « guerre contre le terrorisme » en Afrique • Serval au Nord Mali : Françafrique ou « unilatéralisme régionalisé » et guerre contre le terrorisme ? • Une enquête collective sur une guerre récente • Organisation de l’ouvrage

  • Chapitre 1. Une approche non décisionniste de la décision. L’entrée en guerre et l’emprise des contraintes bureaucratiques

Les ressorts de la domination présidentielle : effets de position, d’institution et d’interaction • Un espace des possibles structuré par l’« histoire faite chose »

  • Chapitre 2. De quoi le général Puga est-il le cas ?

Benoît Puga, le nom d’un récit cryptique et personnalisé quant au rôle de l’armée • Un saint-cyrien au fort prestige combattant, et une confirmation de l’héritage des armées d’Afrique • Une combinaison de ressources complexes en deuxième partie de carrière

  • Chapitre 3. La guerre de cabinet. Rééquilibrage des relations politico-militaires au sein du ministère de la Défense

Division du travail et cooptation • Un trio de réformateurs « pré-positionnés » • Trois leviers d’un programme de rééquilibrage • Les conditions d’un retour à la pratique « normale »

  • Chapitre 4. Quand la diplomatie sert à faire la guerre

Un alignement sur la ligne présidentielle • Des diplomates marginalisés

  • Chapitre 5. Le budget « Opex ». Un analyseur des luttes bureaucratiques au sein de l’État en situation de contrainte budgétaire

De l’exceptionnel à l’extérieur : la montée en puissance des Opex dans le budget de la défense • Ce que (sur)coûte une guerre, et qui est habilité à l’estimer • Le ministre de la Défense, les jeux de l’interministériel et de l’insincérité

  • Chapitre 6. Le consensus interventionniste à l’Assemblée nationale. Éléments pour l’analyse d’un conformisme parlementaire

La formation du consensus interventionniste • Les raisons du ralliement au consensus

  • Chapitre 7. Être blacklisté au Mali. Des journalistes dissidents dans le giron de l’armée ?

La proximité avec les militaires et la structuration du champ médiatique • Une porosité intersectorielle contrôlée et encadrée • Une socialisation commune sur le terrain malien

  • Dossier 1. Les images d’une « guerre sans images ». Le traitement télévisuel de l’intervention

Une « guerre sans images » ou des images sans combats ? Cartes, exploit logistique et liesse, ou trois manières d’illustrer l’intervention au Mali • « On inflige beaucoup de dégâts à ces rebelles islamistes » : mettre en scène et en valeur l’armée française

  • Chapitre 8. Faire la guerre au-dessus de ses moyens. Les enseignements structurels de l’intervention

Une autonomie conjoncturelle, des contraintes structurelles • Compenser la faiblesse des ressources par la prise de risque et la rusticité • Un ennemi à sa portée

  • Dossier 2. La carrière, le prestige et le « capital combattant » Ce que fait Serval aux officiers
  • Chapitre 9. Devenir « Mort pour la France ». La reconnaissance des pertes militaires au Sahel

Les pertes militaires, un marqueur des transformations de la présence française au Sahel • Devenir « Mort pour la France » au Sahel : reconnaissance de l’engagement et cadrage du sens de l’intervention

  • Dossier 3. Quand l’assistant militaire d’un général met en récit la violence de Serval
  • Conclusion
  • Notes
  • Bibliographie
  • Les contributeurs

010449429

L'auteur.trice