Marie-Amélie Lauzanne soutiendra sa thèse de doctorat en sociologie intitulée : Produire et faire commerce de mondes fictifs. Éléments pour une sociologie historique du théâtre en France, de l’après-guerre aux années 1980
La soutenance aura lieu le lundi 29 mars à 14h, en visioconférence.
Le jury sera composé de :
- Mme Célia Bense Ferreira Alves, maîtresse de conférences, Université Paris 8
- M. Philippe Bouquillion, professeur d’Université, Université Paris13 – Sorbonne Paris Cité
- M. Julien Duval, directeur de recherches, CNRS
- Mme Pascale Goetschel, professeure d’Université, Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne
- M. Sylvain Laurens, directeur d’études, EHESS
- M. Louis Pinto, directeur de la thèse, directeur de recherche émérite, CNRS
Résumé
Cette thèse est une contribution à l’analyse des champs de production culturelle et porte sur l’espace du théâtre en France, des années 1950 aux années 1980. Elle cherche à dégager les propriétés de cet espace inter-champs et ses transformations au cours de la période étudiée.
Le travail a été mené à partir d’un travail de dépouillement d’archives ministérielles, radiophoniques, de publications professionnelles et d’entretiens, et combine des analyses statistiques et des études de trajectoires. La première partie décrit un espace structuré par des enjeux de patrimonialisation qui organisent la circulation des textes dans l’espace des théâtres parisiens jusqu’à leur entrée au répertoire du Français, et à partir desquels s’organisent les luttes de concurrence entre les différents groupes d’agents engagés dans l’activité. L’analyse porte notamment sur les caractéristiques du groupe des directeurs de théâtre, polarisé entre stratégies commerciales et artistiques, d’une part, et de l’autre entre les effets de la domination littéraire et d’une forme de domination qu’on pourrait dire « mondaine » (N=75). Elle dégage la structure de l’espace des auteurs de théâtre et met en évidence le rôle de plusieurs groupes qui participent à conforter la domination littéraire (patrons de presse, critiques [N=19], éditeurs, acteurs [N=173]). La présence dans cet espace d’agents multipositionnels, engagés dans d’autres jeux, contribue à faire fonctionner cet espace comme une caisse de résonance des luttes des champs médiatique et intellectuel. Le travail sur l’espace des théâtres parisiens (N=56) met en évidence les contraintes qui s’exercent sur l’activité et permet d’analyser les luttes de concurrence aux pôles de la production et de la commercialisation des spectacles.
La seconde partie porte sur les déformations de cet espace sous l’effet de la dérégulation du marché des textes et de l’expansion du secteur subventionné. L’activité administrative contribue à la structuration accrue du « secteur public » du théâtre et à la formation d’une nouvelle espèce de ressource symbolique pour les hommes politiques, liée à la proximité avec les producteurs artistiques dominants. Ces évolutions sous contrainte du champ bureaucratique tendent à déplacer les luttes sur les relations du secteur privé et du secteur public, et ouvrent de nouvelles formes d’échanges avec les champs administratif et universitaire. Le travail mené sur l’espace des lieux de spectacle au début des années 1980 (N=78), de leurs directeurs (N=78) et sur les évolutions des saisons de théâtre (N=1556 spectacles), montre que les oppositions qui structurent le champ économique se reflètent dans cet espace du fait de la consolidation d’un groupe de metteurs en scène-directeurs d’établissements publics, assimilables à une fraction du patronat d’Etat, et de la présence d’un groupe de patrons du privé (producteurs de spectacles et directeurs). Enfin, une analyse de correspondances objective les relations des différentes catégories d’agents engagés dans la production des spectacles et leur valorisation, à partir de la position d’auteur (N=120).