Centre européen de sociologie et de science politique

Aux marges du Palais : la Délégation aux droits des femmes

Contribution à une sociologie de l’Assemblée nationale et du travail législatif

Claire Bloquet soutiendra sa thèse en sc. politique intitulée Aux marges du Palais : la Délégation aux droits des femmes. Contribution à une sociologie de l’Assemblée nationale et du travail législatif . La soutenance publique aura lieu le mercredi 22 septembre 2021 à partir de 14h, 12 place du Panthéon à Paris en salle 216.

Jury

  • Catherine Achin, Professeure à l’Université de Paris-Dauphine-PSL
  • Delphine Dulong, Professeure à l’Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne (directrice de thèse)
  • Bastien François, Professeur à l’Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne
  • Daniel Gaxie, Professeur à l’Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne (directeur de thèse)
  • Marc Milet, Maître de conférences – HDR à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas (rapporteur)
  • Olivier Rozenberg, Associate Professor à Sciences Po Paris
  • Cécile Vigour, Directrice de recherche CNRS – HDR au Centre Emile Durkheim / Sciences Po Bordeaux (rapporteure)

Résumé de la thèse

Le constat maintes fois vérifié d’un déclin législatif du Parlement sous la Vème République a trop longtemps conduit à négliger l’étude de cette institution en science politique, et tout particulièrement en ce qui concerne le travail d’écriture de la loi. Pourtant, la faiblesse de son pouvoir législatif ne signifie pas que les parlementaires ont abandonné tout espoir de peser sur la fabrique des lois. Chaque jour, au contraire, des hommes et des femmes, différemment investis dans leur mandat, s’impliquent dans l’hémicycle, se battent pour amender un projet, défendre une proposition, et parfois même finissent par l’emporter. Prenant au sérieux cet investissement, cette thèse entend ainsi montrer l’importance de ce qui se passe au Parlement.

L’étude que l’on présente a été menée en décalant volontairement le regard des regroupements partisans les plus établis vers la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, petit organe parlementaire chargé d’informer le reste de la chambre des conséquences des décisions prises sur l’égalité des sexes, de 1999 à 2017. Espace parlementaire tout-à-fait marginal, on retrouve pourtant l’influence de la Délégation derrière l’adoption de certaines mesures dont le destin politique ne paraissait pas joué d’avance : à ce titre, cette thèse propose une étude minutieuse de cas où des députés parviennent à peser sur l’orientation des politiques publiques. Le choix de ce point de vue – celui du travail législatif depuis ses marges – permet justement de mettre en lumières toutes les stratégies et les efforts faits par les députés pour prendre part au processus législatif auquel ils sont peu intégrés. Le choix, plus spécifique, d’un espace consacré aux droits des femmes permet également d’inclure ce travail dans une perspective qui interroge le fonctionnement des institutions féministes. L’enquête s’appuie sur une collection d’entretiens, menés avec des parlementaires mais aussi avec leurs équipes ou avec d’anciens membres du gouvernement, ainsi que sur des archives des travaux parlementaires, portant principalement sur des textes spécifiques choisis comme études de cas.

Ce travail tire ses principales hypothèses de la sociologie des institutions, et notamment du néo-institutionnalisme féministe, de la littérature des legislative studies, et de la sociologie du métier politique. Après avoir montré dans un premier chapitre les limites des ressources sur lesquelles les membres de la Délégation peuvent s’appuyer pour travailler, un second chapitre vient montrer comment se met malgré tout en place au sein de la Délégation un apprentissage spécifique du métier de parlementaire qui, accompagné d’un processus de spécialisation, contribuent à intéresser durablement les membres de la Délégation au travail législatif en général, et à construire leurs carrières individuelles. Le chapitre suivant change d’échelle pour mettre en scène la Délégation comme un espace militant qui, au contact proche de la « société civile » et notamment du monde associatif, pousse ses membres à l’utilisation de stratégies relevant de l’action collective. Le dernier chapitre, enfin, vient éclairer le travail de recadrage symbolique et d’entretien des relations sociales que prennent en charge les députés au cours du travail législatif. Ce travail leur permet de jouer de la marge d’interprétation laissée autour des règles formelles et informelles qui régissent l’espace parlementaire – et tout particulièrement celle de la discipline partisane – pour mieux les subvertir, et gagner l’avantage.

Au-delà de l’étude des seuls ressorts du féminisme parlementaire, cette thèse ambitionne de contribuer à la sociologie de la professionnalisation politique et à la sociologie du travail législatif en général. En peignant le tableau des multiples interactions qui font la réalité quotidienne de ce travail, on met notamment en avant la grande créativité procédurale de celles et ceux qui l’accomplissent.