Responsables: Guillaume Mouralis, Arnaud Saint-Martin et Gisèle Sapiro
Sociologie historique des sciences et des techniques
La diversification des recherches menées au CESSP sur la sociologie des sciences conduit à élargir la perspective au-delà des sciences humaines et sociales et des disciplines médicales vers les sciences de la nature, les techniques ainsi que les savoirs experts. Le principal lieu de rencontres et de discussions dans ce domaine sera le séminaire « Sciences sociales des sciences et des techniques », animé à partir de l’année universitaire 2017-2018 par Wilfried Lignier et Arnaud Saint-Martin à l’EHESS, qui proposera une réflexion interdisciplinaire (sociologie, science politique, anthropologie, histoire, science studies) autour du défi intellectuel consistant à intégrer théoriquement et empiriquement l’analyse des savoirs savants et celle des techniques. Les activités du séminaire et les recherches qui y seront présentées pourront être relayées, diffusées et commentées par l’intermédiaire du carnet de recherche en ligne Zilsel (publié sur la plate-forme hypothèse.org) et de la nouvelle revue du même nom créée en 2016 aux éditions du Croquant, tous deux codirigés par Arnaud Saint-Martin.
Les sciences humaines et sociales demeureront au cœur des préoccupations des recherches sur les disciplines scientifiques, à travers les travaux déjà mentionnés dans les projets de l’axe thématique « Going global » sur les acteurs et les circuits de leur internationalisation, celles sur l’histoire de la science politique en France, qui se poursuivront avec l’analyse de la période postérieure à la réforme universitaire de 1968, et l’enquête coordonnée par Arnaud Saint-Martin, avec Manuel Quinon (Université Paris Diderot), sur histoire sociale et intellectuelle de la sociologie aux Etats-Unis et en France. S’y ajouteront, outre les travaux sur le champ de la médecine (la pédiatrie et de la protection de l’enfance notamment) et les professions médicales et paramédicales, ceux portant sur des dispositifs scientifiques et techniques relevant d’autres domaines : l’astronautique et les technologies spatiales, les sciences de l’environnement, le nouveau régime néolibéral des sciences et des techniques qui se traduit dans le développement de l’entreprenariat scientifique des startups.
Une enquête collective sera menée sur les métamorphoses de l’expertise : expertise économique (Brigitte Gaïti), expertise des sciences sociales dans les dispositifs d’évaluation des actions culturelles (Cécile Rabot) ou dans les dispositifs de démocratie participative (Loïc Blondiaux), expertise juridique dans les réformes institutionnelles (Bastien François, Antoine Vauchez), rapports renouvelés des experts aux médias et aux partis (Nicolas Hubé, Frédéric Sawicki). Il s’agira ici d’interroger les processus de mobilisation des savoirs savants dans l’action publique ainsi que dans les mobilisations politiques et militantes. Le séminaire doctoral « Sociohistoire des idées économiques » sera partie prenante de ces projets sur l’analyse du poids de l’expertise dans les divers espaces sociaux.
Sociologie des biens culturels et intellectuels.
Les recherches sur les conditions de la production et de la circulation des biens culturels seront élargies et systématisées, dans une perspective comparative à la fois entre supports de production (littérature, médias, cinéma) et entre pays (avec notamment le développement de travaux portant sur les productions et les consommations culturelles au Maghreb et au Moyen-Orient). Elles porteront en particulier sur : la transformation du métier d’écrivain en France dans une perspective socio-historique retraçant les processus d’autonomisation de l’activité littéraire mais aussi les obstacles à sa professionnalisation (Gisèle Sapiro) ; l’articulation des transformations de l’offre culturelle (concentration des acteurs économiques, montée en puissance des produits blockbusters) et celles de la demande et des goûts (recul de la culture savante classique, nouveaux modes de consommation culturelle) à travers notamment une enquête sur les politiques de modernisation menées depuis le début des années 2000 par certaines institutions culturelles publiques (Julien Duval) ; le rapport au travail dans les professions culturelles liées au monde du livre (rapport au temps et à l’argent, articulation entre rétributions symboliques et financières, précarité de l’emploi et soutien public, exercice du métier comme « vocation », etc.), leurs pratiques de lecture ainsi que celle du public cultivé qui participe à la formation des valeurs littéraires (Cécile Rabot).
Sociologie des intellectuels.
En lien avec le réseau thématique « Sociologie des intellectuels et de l’expertise. Savoirs et pouvoirs », dont des membres du CESSP sont fondateurs et qu’ils contribuent à animer, des travaux seront poursuivis sur la position des intellectuels dans l’espace social, les formes différenciées de leurs engagements et interventions dans le monde social, les supports et les espaces de production et de diffusion des produits intellectuels. Il s’agira de travaux sur : l’histoire intellectuelle, dans le cadre notamment du programme de recherche en partenariat avec New York University « Crossroads to intellectual history » ; la formation de champs intellectuels transnationaux (un numéro d’Actes de la recherche en sciences sociales est en préparation sur ce thème) ; les engagements et les modes d’intervention des intellectuels dans l’espace public (cas des années 1960 et 1970 en France, réflexion sur l’éthique du désintéressement dans les professions intellectuelles et artistiques aux XIXe et XXe siècles) ; les processus de radicalisation des intellectuels dans certains contextes (guerre, situation coloniale, conflictualité sociale et politique).
Sociologie de la mémoire et des opinions
Le programme 13-novembre développé par Denis Peschanski en collaboration avec des collègues historiens, sociologues, neurologues, spécialistes des médias et du langage, etc., poursuivra ses recherches sur la formation de la mémoire individuelle et collective à propos des attentats du 13 novembre et son évolution au cours du temps (éventuelles distorsions, persistance ou résorption du traumatisme) à partir d’une série de mille entretiens (qui sera plusieurs fois renouvelée dans les années à venir), des récits auxquels ces attentats ont donné lieu (presse, réseaux sociaux, etc.) et d’enquêtes d’opinion. L’un des enjeux à venir est de mieux intégrer cette recherche au projet scientifique du CESSP, à travers le dialogue avec d’autres travaux au sein du laboratoire abordant les questions mémorielles (mémoire et histoire du communisme notamment, mais aussi des guerres, des événements de violence et des conflits) ou plus généralement celle de la production des opinions et des croyances. Les travaux dans ce dernier domaine continueront à porter sur le journalisme et les médias (réception des discours politiques, transformations actuelles de la demande d’information des différentes catégories de public) et sur les dispositifs participatifs (nouvelles expérimentations démocratiques, relations entre les mondes savants, de l’expertise et des praticiens de l’action publique).