Controverses, paniques morales et usages éducatifs des écrans
Maison des Sciences de l’Homme –
54, Boulevard Raspail, 75006 Paris – Salle BS1_05
de 9h à 16h
Présentation
Les usages éducatifs du numérique reposent sur une multitude d’artefacts technologiques. Parmi eux, les outils dotés d’un écran (ordinateurs, tablettes et smartphones) occupent une place centrale, mais ambivalente. Que ce soit en France ou dans d’autres contextes nationaux, les institutions éducatives sont sommées de développer les usages de ces écrans, afin de préparer efficacement les futurs citoyens à un monde de plus en plus « visuel » et « connecté » (Chaptal, 2003 ; Bourgatte, 2017). Apprendre à rechercher de l’information sur les moteurs de recherche, à communiquer avec ses camarades sur un forum, à analyser des images ou encore créer un blog sont autant de compétences qu’il semble aujourd’hui impératif d’acquérir et qui induisent de se confronter épisodiquement à un écran en classe (Bach et alii, 2013). L’usage du terme englobant d’écran pose lui-même question et pourra être interrogé. Il charrie en effet un ensemble de présuppositions et de décalages par rapport à des catégories telles que médias, technologies, TIC ou numérique, qui s’appuient sur des approches en psychologie cognitive, mais aussi en ergonomie, design et HCI (Human-Computer Interaction), pour lesquelles, par exemple, la luminosité des écrans et la “lumière bleue” constituerait une forme inédite de risque.
Dans le même temps, des critiques déjà anciennes qui s’étaient posées face à la consommation d’images cinématographiques (Forman, 1970 [1933]) puis télévisuelles (Watkins, 2015) par le jeune public ressurgissent. Les enfants passeraient trop de temps devant une multitude d’écrans et ces usages comporteraient des dangers, indépendamment du type de contenus (Bach et alii, 2013 ; Stiegler & Tisseron, 2009 ; Tisseron, 2017). Ainsi, d’après l’enquête « Common Sense Census » (2015), aux Etats-Unis, un adolescent consacrerait plus d’un quart de sa journée (6h40) aux écrans (ordinateur, tablette, smartphone, TV, liseuse). Les détracteurs de ces technologies avancent notamment le risque que ces usages prennent la place d’autres activités : socialisation, lecture papier, etc. (Dagiral & Tessier, 2018). Ces discours peuvent même aller jusqu’à une interdiction pure et simple des écrans à l’école (Bihouix & Mauvilly, 2016).
Les controverses autour de l’usage des écrans placent les professionnels de l’éducation aussi bien que les parents dans une situation délicate. Doivent-ils favoriser l’usage des écrans ou au contraire lutter contre ? De nombreux prescripteurs, qu’ils soient enseignants, chercheurs, développeurs informatique ou autre, cherchent à définir les bons et les mauvais usages des écrans. Les termes mêmes de ces débats et de ces définitions, dont les enjeux sont à la fois éducatifs, scientifiques, politiques et économiques, sont fortement disputés.
En s’appuyant notamment sur les outils de la sociologie des sciences et des techniques, de la sociologie de l’enfance, des childhood studies et des sciences de l’information et de la communication, les participants seront invités à investiguer ces questions sous différents angles : cartographies des controverses et des positionnements scientifiques (Selwyn & Facer, 2013) ; diffusion, viralité, et phénomènes de “panique morale” (Cohen, 1972) ; description et analyse de pratiques éducatives mises en oeuvre par des acteurs éducatifs pour réguler, limiter ou au contraire favoriser les usages des écrans par les enfants à la maison ou dans le cadre scolaire (Fish, 2008, Guernsey, 2012, Béguin-Verbrugge & Kovacs, 2011) ; étude des mésusages et addictions (Selwyn, 2003) présumées ou reconnues des écrans sur les enfants et leurs parents.
Vous pouvez vous y inscrire librement via la page web de la JE : https://dossiersdecran.sciencesconf.org/