Les institutions internationales et la neutralisation de la protestation sociale
ST 56 : Les institutions internationales et la neutralisation de la protestation sociale
Coordination : Olivier NAY (CESSP - Paris 1), Delphine Thivet (Centre Emile Durkeim - U. Bordeaux)
- Contact : o.nay chez free.fr
Depuis la fin des années 1980, de nombreuses organisations internationales (OI) ont été exposées à des campagnes de protestation menées par des mouvements sociaux transnationaux et des ONG de plaidoyer. Ces organisations ont été régulièrement confrontées à des résistances, des actions symboliques et des contre-expertises critiques qui mettent en question les paradigmes sur lesquels s’appuient leur politique – par exemple sur des enjeux de défense des droits humains, de justice sociale et de régulation des marchés, de l’environnement et du climat, de la démocratie, des droits des peuples autochtones, de la transparence ou de l’annulation des dettes des pays pauvres. Face à la pression des coalitions d’acteurs sociaux, les OI ont multiplié les procédures de participation pour associer ONG et organisations de la société civile, tout en cherchant à en canaliser l’expression et à en discipliner les modes d’action. Par le biais de ces procédures, elles cooptent les acteurs sociaux habilités à s’exprimer dans les enceintes publiques, instituent des mécanismes de déconflictualisation et filtrent les revendications sociales, dont certaines sont finalement incorporées à l’agenda institutionnel.
Cette ST rassemble des contributions qui se concentrent sur les activités de neutralisation et d’incorporation de la critique sociale dans le cadre des institutions internationales. Elle s’intéresse au travail de censure et de mise en forme par laquelle les experts des institutions assimilent les revendications sociales, mais aussi les reformulent de manière à les délester de leurs contenus les plus critiques et à les rendre compatibles avec les vues normatives de l’organisation. Les intervenants pourront discuter notamment les processus de « captation épistémique », c’est-à-dire les activités par lesquelles les OI captent des idées critiques, puis les réinterprètent et les détournent de manière à en épuiser la dimension agonistique, pour finalement rendre ces idées conformes aux cadres normatifs de l’institution. Ce faisant, les OI s’emparent des discours contre-hégémoniques et convertissent les plaidoyers critiques en orthodoxie politique.
La ST se situe à la croisée de la sociologie des mobilisations, la sociologie de l’expertise et les études des institutions internationales.
ST 56 : International Institutions and the Neutralisation of Social Protest
Summary
Since the late 1980s, many international organizations (IOs) have been subject to transnational social movement and advocacy NGO protest campaigns. These organizations are periodically confronted with resistance, symbolic actions and critical counter-expertise that question the paradigms on which their policies are based – for instance on human rights promotion, social justice and market regulation, environment and climate, democracy, indigenous peoples’ rights, transparency or public debt cancellation. In response to the pressure from coalitions of social actors, IOs have introduced multiple participation procedures in order to ensure that NGOs and civil society organisations are involved in policy development, while at the same time seeking to channel their expression and discipline their modes of action. Through these procedures, they co-opt and empower some social leaders in public forums, establish deconfliction mechanisms and filter social grievances, resulting in the incorporation of certain demands into the institutional agenda.
This panel brings together contributions that focus on the knowledge-building activities aiming at neutralizing and incorporating social advocacy in the context of international institutions. It examines the formatting and censorship work by which experts in institutions assimilate and reframe social demands, in such a way as to eliminate their most critical content and make them compliant with the normative views of the organization. It examines the formatting and censorship work by which experts in institutions reframe social demands in such a way as to eliminate their most critical content and make them compliant with the dominant views of the organization. In this process, IOs seize upon counter-hegemonic discourses and convert critical advocacy into political orthodoxy.
The panel stands at the crossroads of the sociology of mobilizations, the sociology of expertise and the study of international institutions.
- Contact : o.nay chez free.fr